Dans l’histoire des autochtones d’ici et d’ailleurs, la recherche a souvent été l’occasion de vol pur et simple de connaissances et/ou d’objets sacrés voire de restes humains. Elle a aussi parfois été l’occasion d’attitudes méprisantes, voire racistes. La recherche a souvent servi les intérêts de la colonisation et des politiques discriminatoires des différents États. C’est pourquoi les autochtones ont réfléchi à la façon de décoloniser la recherche et donc de l’utiliser pour provoquer des changements qui aillent dans le sens du mieux-être de leurs peuples et qui favorise la prise en charge par eux-mêmes de leur propre avenir.
Au Québec, deux publications essentielles traitent de l’éthique dans la recherche : celle de l’Assemblée des premières nations du Québec et du Labrador et celle de Femmes autochtones du Québec (voir liste de références).
Trois questions liées à l’éthique de recherche sont abordées ici : le consentement, la confidentialité et la guérison.
Au moment d’entreprendre une recherche, doit-on toujours consulter le conseil de bande? Est-ce suffisant de le consulter? Quoi faire si le conseil de bande n’est pas d’accord? Faut-il consulter ou obtenir le consentement d’autres groupes dans la communauté? Comment obtenir le consentement des personnes qui participent à la recherche?
Il y a une différence entre consultation et information. La consultation va au-delà de l’information et elle implique un rôle plus actif de la part de la personne ou de l’organisation qui est consultée. En principe dans une consultation, il y a une ouverture à apporter des modifications au projet initial, ce qui n’est pas le cas quand on se limite à informer. Libre et informé implique que la consultation se fait après qu’il y ait eu une information complète sur le projet et qu’il n’y ait aucune pression pour se prononcer d’une façon ou d’une autre. Par contre, il n’y a aucun engagement, par exemple, à ne pas réaliser le projet ou la recherche s’il y a désaccord. Il y a un engagement d’accommodement.
Le consentement implique l’accord, l’approbation. Il s’agit donc de quelque chose de plus fort que la consultation. Il est lui aussi libre et informé.
Le consentement n’est pas acquis une fois pour toutes: « La personne doit connaître les objectifs poursuivis par le chercheur avant de s’engager dans le projet. Cela signifie que le participant doit être en mesure de donner un consentement éclairé à toutes les étapes du projet. Il ne suffit pas d’obtenir sa permission au début, de la déposer au dossier et de l’oublier par la suite. Enfin, des moyens doivent être pris pour protéger l’anonymat des personnes et la confidentialité des informations transmises.»1
Éléments de réflexion: il peut être utile de consulter le formulaire de consentement du protocole de l’Assemblée des premières nations et d’évaluer sa faisabilité. Si celui-ci n’est pas applicable dans le contexte d’une recherche précise, il faudra réfléchir à la meilleure façon d’obtenir le consentement. Cela peut varier selon les communautés. Cela peut également signifier qu’il faudra rédiger un formulaire de consentement adapté à la réalité du projet envisagé.
[1] Jean-Pierre Deslauriers, Recherche qualitative, guide pratique, Mc Graw Hill, 1991
Qu’est-ce qui peut être partagé et qu’est-ce qui ne peut pas l’être? Les personnes qui participent à des entrevues préfèrent le plus souvent que leurs opinions ne leur soient pas attribuées, c’est à dire que personne ne puisse savoir que c’est eux qui ont prononcé ces paroles. Comment partager tout en préservant la confidentialité des personnes qui ont communiqué des informations, mais ne veulent pas être identifiées? Dans une petite communauté, la confidentialité peut parfois constituer un véritable défi car tout le monde se connaît et les rumeurs circulent vite. C’est particulièrement un enjeu dans le cadre d’entrevues de groupe. Dès lors, comment prévenir de possibles problèmes?
En ce qui a trait aux informations qui ont été recueillies, une fois traitées que fait-on avec? Si les différentes entrevues, réunions ou cercles de partage sont enregistrées, est-ce qu’on détruit les bandes sonores ou vidéo qui permettraient l’identification de la personne, des personnes? Est-ce que le premier consentement s’étend à la diffusion? Si on veut publier des témoignages comment procéder?
Il n’y a pas de réponse toute faite à ces questions. Même si les textes présentés ci-dessous sont utiles, une discussion sur la situation particulière de chaque communauté et de chaque recherche est toujours importante (voir section spécifique sur la confidentialité pour des techniques).
PCAP (Propriété, Contrôle, Accès, Possession) sont des principes développés par les autochtones et intégrés dans le cadre du Protocole de recherche de l’Assemblée des Premières nations et les Lignes directrices en matière de recherche avec les femmes autochtones de Femmes autochtones du Québec (FAQ). Les «Lignes directrices» de FAQ sont adaptées à la réalité des femmes et énoncent les différentes étapes que devrait comprendre toute recherche et proposent une liste d’éléments à vérifier avant d’entreprendre quoi que ce soit. Elles sont en plein accord avec les principes autochtones énoncés précédemment (voir section sur les principes autochtones).
Ces principes s’appliquent à toutes les recherches effectuées en milieu autochtone. Mais, la propriété des données, le contrôle de ces données ou des recherches, l’accès aux données et la possession doivent-elles être celle des conseils de bande, de Femmes autochtones au Québec ou alors des groupes de femmes de la communauté?
Les femmes sont au centre du projet. Elles sont des actrices privilégiées et doivent être considérées comme telles à toutes les étapes. L’information recueillie est un patrimoine collectif des femmes qui travaillent en faveur des droits des femmes. Mais qu’en est-il des autres instances de la communauté?
Éléments de réflexion: lire attentivement les Lignes directrices de FAQ ainsi que les principes (PCAP) adaptés aux femmes. Considérer les étapes et la liste de vérification proposées.
Souvent dans le cadre d’une recherche, lors de la réalisation des entrevues par exemple, des blessures individuelles ou collectives peuvent ressurgir. Elles peuvent provenir d’expériences personnelles ou plus globalement être provoquées par l’histoire de discrimination et de colonisation collective, ou d’expérience de discrimination et/ou de violence vécue individuellement par les participantes.
C’est une responsabilité de la chercheuse de veiller à ne pas laisser les personnes seules avec leur douleur. Cela ne signifie pas que l’équipe doive tout prendre en charge elle-même mais elle doit avoir une stratégie pour que l’expression de leur réalité par les femmes soit une expérience enrichissante et libératrice plutôt que douloureuse et déprimante. Il est important de prévoir différents moyens pour ce faire.
La spiritualité peut se révéler un moyen privilégié pour faire face à cette situation et amorcer un processus de guérison. Celui-ci doit être global et holistique : Il est recommandé de clore tout exercice de réflexion par des pratiques de guérison afin de boucler la boucle et de refermer les blessures qui auraient pu s’ouvrir durant l’exercice. Il faut aussi clore les échanges avec des paroles positives à partir des informations confiées par les participantes.
Dans des cas plus difficiles, il faut aussi être prêt à référer à des services à plus long terme si cela se révèle nécessaire. Un contact préalable avec les ressources en santé et services sociaux de la communauté peut s’avérer important.
Éléments de réflexion : réfléchir et anticiper les possibles blessures pouvant être rouvertes lors d’entrevues ou de rencontres collectives. Envisager les différentes stratégies possibles selon les communautés.