La recherche vise à offrir une avenue pour trouver des réponses à des questions que l’on se pose ou à fournir une compréhension nouvelle, voire des solutions, à des problèmes que l’on a pu identifier. Cela peut donc être à la fois un outil de compréhension du réel, d’action et de changement. À partir d’un problème ou d’une question, tenter de rassembler l’information et les données nécessaires pour y répondre permettra de mieux comprendre le phénomène, d’identifier les moyens d’action et éventuellement de poser de nouvelles questions (Voir schéma à la fin de la fiche).

Une fois bien défini ce que l’on veut connaître ou comprendre, il faut décider comment le trouver. Il y a un lien entre ce que l’on cherche et la façon dont on va s’y prendre pour le trouver.

La recherche est généralement divisée en deux grandes catégories : la recherche quantitative et la recherche qualitative. On choisira l’une ou l’autre, ou l’une et l’autre, en fonction de ce que l’on cherche.


La recherche quantitative est pertinente pour mesurer quelque chose. On pense aux sondages, mais aussi à toutes les enquêtes qui produisent des statistiques essentielles à l’élaboration de politiques publiques : nombre d’enfants par femme, prix moyen des logements, nombre de personnes par logement, répartition des revenus, etc. La recherche quantitative a ses propres outils, des questionnaires à questions fermées (à répondre par oui ou non ou alors très brièvement ex : combien avez-vous de téléviseurs chez vous?) mais posées à un grand nombre de personnes. On a développé des méthodes (au hasard, en proportion de la population, etc.) pour constituer des échantillons de personnes permettant d’assurer que les résultats sont représentatifs et généralisables à une population donnée.
Quand des sondages sur les intentions de votes aux élections municipales, provinciales, ou fédérales sont publiés, il est clair qu’un questionnaire n’a pas été envoyé à tous les électeurs. Il faut construire un « échantillon ». Cela veut dire qu’il faut envoyer un questionnaire à un nombre suffisamment élevé de personnes qu’il soit représentatif de l’ensemble de la population. Ce nombre est établi selon différents paramètres statistiques.

EXEMPLE

On cherche à savoir si on devrait construire une nouvelle école. On veut donc évaluer les besoins. On pourrait vouloir faire une recherche qui nous dit combien il y a d’enfants d’âge préscolaire dans la réserve et où les parents comptent les envoyer quand ils atteindront l’âge scolaire. On peut donc faire un sondage pour répondre à cette question et l’envoyer à tous les foyers. Les résultats seront représentatifs de toutes les familles de la réserve mais pas nécessairement de toutes les réserves.


La recherche qualitative est pertinente pour décrire, documenter, comprendre et analyser un phénomène social, politique, culturel… La recherche qualitative peut donner une vision plus globale de la réalité sociale. Elle peut surtout aider à expliquer les motivations, à comprendre les points de vue et les expériences et à développer des recommandations pour modifier une situation. C’est aussi une approche qui peut, si on le souhaite, impliquer plus directement les gens avec qui on fait la recherche (recherche avec plutôt que sur). Mais les résultats ne seront pas généralisables et il ne sera pas possible de savoir s’ils sont représentatifs d’autres cas semblables qui pourraient se produire ailleurs.

La recherche qualitative a ses propres outils/postures : la recherche-action participative, la méthode biographique (histoires de vie, trajectoires de vies, biographies, autobiographies, etc.), l’observation, participante ou non, la recherche collaborative, la recherche militante. Il faut définir les outils en fonction de la question de recherche, des objectifs et de ce que l’on veut savoir (mobiliser la communauté, accumuler des données…).

« Parmi diverses méthodologies, la recherche/action participative est un type de recherche privilégié en contexte autochtone, principalement en raison de l’établissement d’une étroite collaboration entre les chercheurs et les personnes concernées par le projet de recherche. »1 Cette collaboration permet davantage d’envisager une action communautaire suite à la recherche. La recherche/action participative fonctionne sur le principe : connaître-agir-transformer.

«La recherche en collaboration peut être davantage considérée comme une attitude ou une approche, qu’un ensemble de techniques bien définies qu’il faut suivre.»2 La recherche en milieu autochtone vise l’autonomisation. Maîtriser ses propres connaissances et décider de comment les utiliser, va dans ce sens-là.

De plus, la recherche faite par et pour les autochtones n’est pas obligée d’être copiée sur la recherche de la société majoritaire. Les autochtones ont une façon de voir le monde qui est propre et des manières de comprendre le réel qui lui sont uniques. Les outils de recherche doivent refléter cette vision du monde.

[1] Lignes directrices en matière de recherche avec les femmes autochtones, p.12 Femmes autochtones au Québec, 2012
[2] La recherche collaborative « Une perspective autochtone », p.1 Avril 2008, conçu et rédigé par « Kishk Anaquot Health Research » 
EXEMPLE

Ex 1 : Combien de femmes sont monoparentales dans la communauté?
C’est une question de recherche quantitative.

Ex 2 : Comment vivent les femmes monoparentales dans la communauté?
C’est une question qui demande une recherche qualitative.


Phases de la recherche
d’une recherche-action

Phases-de-la-recherche-une-recherche-action

Bien définir ce que l’on veut connaître ou comprendre

Définir si c’est une recherche qualitative ou quantitative ou les deux, aidera à savoir comment trouver l’information nécessaire.

Recherche qualitative aide à comprendre
les différents aspects d’une question.

Recherche quantitative aide à mettre
des chiffres sur une ou des réalités.


Principes autochtones appliqués à la recherche

Les façons de faire de la recherche et les critères en assurant la qualité et la validité ont traditionnellement été développés à partir de compréhensions non-autochtones de la connaissance. Ces modèles ne sont toutefois pas toujours cohérents ou adaptables en contexte autochtone.

Faire une recherche par et pour les autochtones implique aussi de l’adapter aux façons de faire, de voir et de connaître le monde des autochtones. Il est important de le reconnaître. Bien sûr ces façons diffèrent d’un peuple à l’autre, mais, dans tous les cas, il faut en tenir compte et s’y adapter.

Il est important de regarder la réalité à partir de la vision des femmes elles-mêmes, d’analyser ses propres préjugés de chercheuse, de prendre en compte le contexte communautaire et le processus historique de colonisation, de considérer les expressions de l’identité nationale (comme peuple) sans cacher les tensions et les négociations au niveau communautaire, familial ou intergénérationnel.

La reconnaissance du savoir des membres de la communauté et la contribution que ceux-ci apporteront à la recherche en y participant améliorent la qualité de la recherche. Plus on est proche de la réalité ressentie, mieux on peut l’appréhender dans toutes ses nuances. Si on ne part pas de la perspective des personnes elles-mêmes, les résultats de recherche seront possiblement incomplets et différents de ceux obtenus avec la pleine participation des membres de la communauté.

 

La recherche en milieu autochtone

Les principes suivants ont été retenus par plusieurs chercheuses autochtones à travers le monde: respect, réciprocité, intégralité (approche holistique ou globale), complémentarité et harmonie. Il est également important de se rappeler que les autochtones sont des peuples différents et qu’ils ont des droits collectifs.

Qu’est-ce que veulent dire chacun de ces principes dans le cadre d’une recherche?

Comment adapter nos outils de recherches à ces principes? Jusqu’où aller dans la modification des façons de faire?

Respect : Les « informateurs », c’est-à-dire les gens qui sont susceptibles de posséder des éléments d’information pouvant contribuer à la recherche ne sont pas des objets de recherche, mais des personnes avec qui l’on collabore et qui ont une influence sur le déroulement de la recherche. Le respect ne se limite pas seulement aux collaborateurs mais aussi aux autorités communautaires et à la culture.

Réciprocité : C’est une valeur très importante en milieu autochtone. Qu’est-ce qu’on apporte aux femmes qui vont participer au projet? Une meilleure connaissance de leur réalité? Des outils pour valoriser leurs propres savoirs et favoriser leur capacité à les rendre visibles? On ne vient pas recueillir des informations sans les partager ensuite avec la communauté.

Intégralité/ cercle/globalité : approche holistique ou globale. On ne sépare pas les êtres humains en morceaux et on ne les sépare pas non plus de leur environnement. Cela doit se traduire dans la façon de comprendre la réalité, mais aussi dans la façon d’agir. Les personnes et les cultures ont souvent une dimension spirituelle qui ne peut être séparée du reste. Il faut en tenir compte comme faisant partie intégrante de la recherche et comme élément de l’environnement (purification, bienvenue, etc), mais éventuellement aussi comme élément de guérison.

Complémentarité : Homme/femme et Humain/nature. Ici, on est dans un univers différent de la société dominante notamment du mouvement féministe qui, à travers sa lutte pour l’égalité, a peu valorisé la complémentarité. La relation au territoire et aux différents éléments de la nature est également indissociable de la vision autochtone du monde. L’humain n’est pas au-dessus des animaux, des plantes ou des pierres : il fait partie du même monde.

Harmonie : La recherche de l’harmonie est un des objectifs de la vie telle que décrite par les autochtones et les femmes en particulier. On ne cherche pas le conflit, mais bien son absence et cela passe par l’attention constante à préserver ou à rétablir l’équilibre.

Ces principes doivent être pris en compte à toutes les étapes de la recherche bien que ce ne soit pas toujours facile. Cela signifie qu’ils doivent être présents dans notre esprit au moment de choisir le type de stratégie de collecte de données, de rédiger des questions d’entrevue, de choisir les thèmes sous lesquels l’information sera regroupée et quand il s’agira de partager les conclusions et synthèses, etc.

Droits collectifs : Les autochtones sont membres de nations distinctes qui ont leurs propres modes de gouvernance, traditionnelle ou pas. Il n’est pas possible de faire abstraction de cette réalité car elle influence toute la vie des autochtones. Il faut toujours tenir compte de l’aspect collectif et communautaire.

Le contexte colonial doit aussi être pris en compte car il a des impacts sur la façon de vivre, de s’organiser, de réfléchir. En 2007, les droits des peuples autochtones ont été reconnus au niveau international dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones. Elle énumère les différentes conditions du développement des autochtones comme nations distinctes, comme collectivités.

EXCERCICE

Un enfant qui vit dans un milieu violent, peut être retiré de sa famille par la Direction de la protection de la jeunesse (DPJ) du Québec et être placé dans une famille d’accueil. L’objectif de la DPJ est de sortir l’enfant de son milieu dysfonctionnel pour qu’il grandisse dans une famille fonctionnelle qui va en prendre soin. Cette façon de faire de de la DPJ est commune pour tous les enfants. D’un point de vue individuel, cette pratique peut être justifiée à certains égards mais en contexte autochtone, qu’est-ce qu’une telle pratique peut signifier?

Quels peuvent être les impacts pour un enfant autochtone? Et pour sa communauté?

Si on ne cherche pas à savoir quel impact les placements d’enfants ont sur la communauté, on risque de ne pas considérer les conséquences pour un enfant d’être élevé en dehors de sa culture et de sa famille élargie. Et s’il y a plusieurs enfants qui sont retirés de leur communauté, qu’est-ce que ça veut dire pour l’avenir de la communauté et pour sa santé culturelle?

Le principe de respect pour la culture et la communauté impliquerait de chercher quels sont les modes traditionnels de protection de l’enfance et faire appel aux autorités compétentes dans la communauté pour intervenir. Celui d’harmonie pourrait notamment signifier que sortir l’enfant de son contexte culturel peut se révéler être une expérience plus traumatisante (briser l’harmonie individuelle et communautaire) que la raison pour laquelle l’enfant est retiré de son milieu en premier lieu. C’est une violence qui en remplace une autre.

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Les principes autochtones se forgent
dans un contexte de droits collectifs
et de nations distinctes

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